Le panel du Forum économique signale l'”hésitation” provinciale comme une barrière à l’innovation

Pour souligner les 25 ans du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ) était organisé la semaine dernière le Forum économique de la relève d’affaires (FERA) : « Promouvoir l’esprit d’entreprendre pour une Québec innovant et florissant ». Un des panels, intitulé « L’entreprenariat : les clés de la réussite », réunissait Maxime Laporte, VP en développement immobilier du Groupe Quorum Inc.; Marie-Noël Grenier, PDG et associée de Jambette; Marisol Labrecque, Présidente d’Ecofixe; Ethan Song cofondateur, PDG et directeur créatif de Frank & Oak; et Jonathan Hamel, expert en technologie Bitcoin; le tout modéré par Damien Siles, DG du Quartier de l’innovation de Montréal.

La discussion s’est amorcée sur la prise de risque, inhérente à l’entreprenariat. Alors qu’Ethan Song le perçoit comme faisant partie d’un « lifestyle », Jonathan Hamel ajoute qu’il faille parfois aller contre le système, par exemple lorsque « les institutions financières essayaient de [le] décourager de faire confiance à des institutions [en Afrique de l’Ouest] ».

L’ouverture du Québec sur le monde en tant que terre d’accueil est aussi un point qui fut soulevé et soutenu. « Je pense qu’il faut encourager l’immigration et attirer le talent international », remarque Ethan Song.

« On parle souvent du modèle québécois, je pense que le modèle québécois est un peu zombie. Il est mort, mais il ne sait pas encore qu’il est mort ! »

Bien que plusieurs points évidents revenaient au cours de la discussion, que ce soit de ne pas avoir peur de l’échec et de l’importance d’avoir une équipe forte, on misa aussi sur l’importance primordiale de la capacité d’adaptation d’une entreprise : « À cause d’internet, à cause de la technologie, tout change très rapidement, relève Ethan Song. Si t’as pas l’œil sur tout ce qui se passe, tu peux vraiment manquer le coup en comme 6 mois. Souvent, les gens peuvent dire ‘c’est pas aussi rapide dans mon domaine’, mais quand j’entends des gens dire ça, je me dis qu’ils ne voient juste pas ce qui se passe ».

En effet, le changement est incessant dans toute industrie, mais dans un rythme beaucoup plus effréné en matière de développement technologique. « Pendant les 20 dernières années, toute l’innovation qu’on voyait arrivait par un écran, que ce soit avec Google, le search, tout ça, poursuit-il. Les nouvelles technologies, pour moi, autant la technologie du mobile que l’AI, c’est quelque chose qui va s’appliquer à l’ensemble de ce qu’on fait. Ce n’est plus l’internet à travers l’écran, c’est comme l’internet de tout et il va y avoir beaucoup de gagnants dans cette génération-ci pour ceux qui ont su absorber cette technologie-là ».

Dans cette même veine, un point marquant du panel autour de l’entrepreneuriat québécois était ironiquement sa tendance à ne pas être avant-gardiste.

« Le Québec, c’est le paradis du statu quo, » déclare Jonathan Hamel. « On parle souvent du modèle québécois, je pense que le modèle québécois est un peu zombie. Il est mort, mais il ne sait pas encore qu’il est mort ! »

ethan so

Entre autres, on note qu’il faille parfois repenser comment on voit la géographie en terme de mise en marché d’un produit. « Je pense qu’un des problèmes qu’on a [au Québec], c’est cette mentalité qu’il y a Montréal, après Toronto, après la Côté Ouest et après je vais aller aux États-Unis et après ça éventuellement je fais faire autre chose, avance Ethan Song. [Mais parfois], un produit serait peut-être le meilleur produit pour l’Asie, par exemple ».

Bien que Marie-Noël Grenier ait une impression plus positive de l’entrepreneuriat québécois, le percevant comme « imaginatif » et « ingénieux », elle reconnaît son point faible en terme de commercialisation.

« On a tendance à avoir beaucoup de misère à s’adapter, à transformer les industries, appuie Jonathan Hamel. Le meilleur exemple que je peux donner, on l’a vécu dans les trois dernières années avec un problème qui est assez trivial, c’est-à-dire comment une entreprise comme Uber a eu de la misère à s’établir à Montréal ».

Ses craintes se transposent aussi au développement de l’écosystème tech montréalais, notamment en ce qui a trait à l’intelligence artificielle. « Si on n’est pas capable de faire des ajustements législatifs et techniques pour régler un problème aussi trivial que le taxi […] ça va être quoi quand l’intelligence artificielle va menacer 50 000 emplois et un paquet d’industries ? Il y a une différence entre parler d’innovation et vivre l’innovation ».

Un problème qui est porté par une sorte d’enfer bureaucratique où « [Les études exigées par le gouvernement] avantagent les grandes entreprises et vont consolider les marchés, et n’aide pas l’entrepreneuriat, relève Maxime Laporte. Les plus gros joueurs deviennent de plus en plus gros ».

Tous ces obstacles seraient causés par un manque de vision dans le leadership provincial. « Je pense qu’aujourd’hui il nous manque un peu ça dans la scène politique, des gens qui vont ramer envers et contre tous [afin de changer les choses], quitte à être impopulaire et à ce que ça soit difficile », conclut Jonathan Hamel.